A quelques semaines d'intervalle, deux ouvrages reviennent sur l'histoire de résistantes hors normes et aux destins parallèles: Charlotte Delbo et Germaine Tillion. La démarche de Ghislaine Dunant va au-delà de la biographie de Charlotte Delbo. Elle le précise d'ailleurs, elle n'est pas historienne. Mais une polémique a été soulevée sur la question de ses sources lors de l'obtention du prix Femina essai. En effet, Dunant n'a pas cité les livres précédents, notamment l'excellente biographie de Violaine Gelly et Paul Gradvohl publiée en 2013 chez Fayard. Il n'en reste pas moins un ouvrage documenté sur la vie mouvementée de la militante. Ancienne assistante de Louis Jouvet, la jeune femme s'est très tôt engagée aux Jeunesses communistes, puis dans la Résistance, avant d'être arrêtée puis déportée à Auschwitz. Impossible d'aller plus loin dans le récit de sa vie puisqu'il s'étend sur près de 600 pages.
Le combat pour la vérité
C'est d'abord à travers ses écrits que l'auteur a rencontré son héroïne. Avec les très beaux textes parus aux éditions de Minuit: «Le convoi du 24 janvier» ou encore «Aucun de nous ne reviendra». Elle a également eu accès aux témoignages de certains de ses proches, survivants, ainsi qu'à sa légataire testamentaire, décédée depuis. «Les sons, les voix, l'odeur d'Auschwitz ont pris toute la place là où il y aurait sa vie à vivre. Sensations qui devaient être reléguées dans le passé et dont le traumatisme a aboli le temps et la possibilité de vivre», écrit Ghislaine Dunant sur sa tragique destinée. C'est l'un des nombreux points communs avec Germaine Tillion: elles n'auront jamais cessé le combat, d'abord idéologique, puis pour leur survie et celle de leurs camarades et, enfin, pour la vérité.
Dénoncer les crimes nazis
Comme Charlotte Delbo, Germaine Tillion aura passé le restant de sa vie à se battre pour dénoncer les crimes nazis. Elle publia son récit, sobrement intitulé «Ravensbrück», pour la première fois en 1946, avec deux nouvelles éditions, revues des années plus tard. Sa formation d'ethnologue rend son témoignage scientifique et précieux. A l'occasion de l'anniversaire du procès de Ravensbrück, le 5 décembre prochain, Marie-Laure Le Foulon revient sur sa déportation dans ce camp inhumain réservé aux femmes. Elle retrace aussi le déroulement du procès, sous juridiction britannique, qui laissa un goût amer à Germaine Tillion, alors observatrice, comme à beaucoup d'autres déportés. L'auteur ajoute des documents inédits et un éclairage sur le rôle de la résistante entrée au Panthéon, dans l'établissement de la vérité et de la justice. Delbo et Tillion étaient des femmes remarquables. Sorties de l'enfer concentrationnaire, elles ont consacré leur vie au devoir de mémoire. A leur tour, ces deux ouvrages contribuent à oeuvrer pour leur mémoire. Un devoir aussi.
«Charlotte Delbo. La vie retrouvée», de Ghislaine Dunant, éd. Grasset, 592 pages, 24 euros.
«Le procès de Ravensbrück. Germaine Tillion: de la vérité à la justice», de Marie-Laure Le Foulon, éd. du Cherche-Midi, 265 pages, 19,50 euros